Gaetano Pesce est un architecte et designer italien -il ne pouvait qu’en être ainsi au vue des sonorités transalpines de son patronyme-, qui en “créateur visionnaire” autoproclamé, se sert d’objets du quotidien comme éléments militants.
Militant est le terme pour désigner l’oeuvre de ce partisan de la cause féministe, qui ayant vécu les mouvements contestataires des années 60 pendant sa prime jeunesse, tend à donner une dimension sociale et engagée à ses créations.
« Au lendemain de la révolte estudiantine de 1968, j’étais un jeune idéaliste persuadé qu’en une ou deux décennies, on ne parlerait plus de l’inégalité homme-femme. Cinquante ans plus tard, la situation est pire : des femmes meurent sous les coups de leur mari ou de leur frère, d’autres sont opprimées telles des esclaves. Et le monde reste passif »
En 1969, Pesce ayant alors 28 ans, s’apprête à signer de son nom ce qui deviendra un symbole du design italien des années 70: “La Donna” appelé aussi “La Mamma”; un fauteuil aux rondeurs affirmées, au galbe évocateur et aux courbes éhontées. Une féminité qui semble affranchie mais qui n’en est pas moins asservie; enchaînée au poids qu’exerce la suprématie masculine, ici représentée par un repose-pied, qui ressemble à s’y m’éprendre à un boulet solidement relié au fauteuil par une chaîne.
Pesce dénonce ainsi, dans un langage qui lui est propre, l’aliénation des femmes et leur asservissement. Si l’on porte un regard plus attentif et circonspect sur cette œuvre aux aspirations dénonciatrices, nous remarquerons que le discours, le fond de la pensée et l’allusion de l’artiste se font d’eux même, il n’y a aucun besoin réel de réinterprétation ou combien même d’effort de compréhension; les formes plantureuses à tendance elliptique ont toujours inspiré le caractère nourricier ou séducteur de la femme et le boulet n’est que la représentation traditionnelle du prisonnier. Est-ce là tout le génie de Gaetano Pesce: créer une œuvre facilement assimilable, à la portée d’un public élargi ou est-ce là, une approche qui tend à la facilité quand la cause défendue ne l’est pas?
Une troisième hypothèse s’impose dès lors? Et si l’intention même de cette œuvre résidait dans l’interrogation qu’elle suscite? A ceux qui ne s’attarderont pas plus que ça sur le pourquoi de l’installation, sur les dessous de cette œuvre et qui esquisseront sans doute au passage un sourire narquois quant aux formes généreuses de ce fauteuil où il fait bon s’étendre, à ceux-là il faudra revoir la vision trop prématurée, trop préconçue qu’ils se font de la femme! Quant à ceux qui révoqueront l’aspect plantureux de cette œuvre, son apparante légèreté dans la dénonciation quitte à plaider pour le camps des accusées, à ceux-là il ne faudra pas juger trop sévèrement une œuvre qui se veut le plaidoyer d’une cause en ouvrant ainsi le débat sur la représentation de la femme et sa position dans la société moderne.